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Les entreprises cotées en Bourse qui accumulent des cryptos : un bon pari ?
information fournie par The Big Whale 06/11/2025 à 16:35

cryptomonnaies-4devises (Crédits: Pexels - Worldspectrum)

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Les Digital Asset Treasuries (DATs) se présentent comme le nouveau pont entre marchés actions et actifs numériques. Mais derrière le succès du modèle initié par Strategy, les signaux de fragilité se multiplient : dilution, dette et dépendance totale au prix des actifs.

Les Digital Asset Treasuries (DATs) — ou trésoreries d'actifs numériques — sont devenues un mécanisme de plus en plus populaire pour attirer l'intérêt de la finance traditionnelle (TradFi) vers les crypto-actifs majeurs comme le bitcoin (BTC) et l'Ethereum (ETH).

Nous assistons aujourd'hui à une vague de sociétés dont la thèse repose sur l'accumulation d'actifs numériques dans leur bilan, sous forme de réserves stratégiques.

Le modèle des DAT permet aux investisseurs d'obtenir une exposition à la crypto via un véhicule de type action : ils ne détiennent pas directement les jetons, mais achètent les actions d'une société qui les conserve dans son bilan.

Les DAT peuvent aussi être vus comme un emballage institutionnel des crypto-actifs, évitant aux investisseurs de gérer eux-mêmes la garde de leurs jetons (souvent complexe), ou de passer par des plateformes d'échange potentiellement vulnérables aux piratages et fuites de données.

Le principal acteur du secteur, Strategy (anciennement MicroStrategy), détient environ 640 000 BTC, soit près de 3 % de l'offre totale de Bitcoin.

Son succès — et la flambée du cours de son action ($MSTR) — a rendu ce modèle attractif pour d'autres entreprises souhaitant lever des capitaux et acheter des actifs numériques à leur tour.

Ces achats modifient la quantité de jetons détenus par action, ce qui alimente la spéculation sur la valeur nette d'actif par action (mNAV) et sur les primes ou décotes du titre.

Ce rapport vise à expliquer le fonctionnement interne des DAT, leurs principaux indicateurs, les entreprises concernées, les risques associés et leur soutenabilité à long terme.

Qu'est-ce qu'un DAT et comment cela fonctionne-t-il ?

Le terme Digital Asset Treasury (DAT) est né parallèlement à la transformation de Strategy, à l'origine simple éditeur de logiciels d'analyse de données, devenue DAT en août 2020.

Depuis ce pivot, la valeur de son action a grimpé de plus de 2 000 %.

Ce succès ne s'explique pas seulement par son statut de pionnier dans l'achat de Bitcoin, mais démontre la viabilité du modèle DAT comme opportunité économique.

Un DAT agit comme un véhicule d'accumulation financé par capitaux propres : il lève des fonds, achète des crypto-actifs, et accroît l'exposition de son bilan à ces actifs.

Ses indicateurs de valorisation clés — NAV, mNAV, prime/décote — dépendent directement de la performance du ou des actifs détenus.

Typologie des DAT

Les DATs peuvent être classés en plusieurs catégories :

1. DATs primaires

Ce sont les DATs “purs”, qui lèvent des fonds via des émissions d'actions pour accumuler un actif donné (souvent Bitcoin ou ethereum ).

Exemples : Strategy, BitMine.

2. DATs secondaires

Ils ne suivent pas le modèle pur des DATs et tirent une partie de leur valorisation d'activités annexes.

Ces entreprises génèrent des revenus opérationnels qu'elles réinvestissent ensuite en crypto-actifs.

Exemples : Tesla, Galaxy Digital, Marathon Digital (MARA).

3. DATs actifs en rendement

Ces sociétés cherchent à générer du rendement à partir de leurs crypto-actifs (staking, DeFi, etc.).

Exemple : Sharplink, qui mise et rémunère la majorité de ses avoirs en ETH.

4. DATs diversifiés

Ils détiennent plusieurs types d'actifs numériques (BTC, ETH, SOL, ADA, etc.) pour diversifier leur exposition.

Exemples : Nepute Digital Assets Corp (BTC, ETH, SOL) et BTCS Inc (ETH, ADA, SOL).

Bien que ces sous-catégories diffèrent dans leurs stratégies, ce rapport se concentre sur quelques cas représentatifs pour illustrer les dynamiques du secteur.

Terminologie clé des DATs

Pour comprendre le fonctionnement interne d'une Digital Asset Treasury, il est nécessaire de maîtriser quelques indicateurs fondamentaux qui permettent d'évaluer leur santé financière et leur performance.

1. Valeur nette d'actif (NAV — Net Asset Value)

La NAV correspond à la valeur totale de la trésorerie crypto d'un DAT, calculée en multipliant le nombre d'actifs détenus par leur valeur en dollars.

Par exemple, si un DAT détient 10 000 BTC et que chaque Bitcoin vaut 114 000 $, sa NAV s'élève à 1,14 milliard de dollars.

2. NAV par action (NAVps — Net Asset Value per Share)

C'est la NAV divisée par le nombre total d'actions en circulation (ajustées de la dilution).

Elle indique combien devrait valoir une action en fonction des avoirs du DAT.

Si le cours de l'action est supérieur à cette valeur, elle se négocie avec une prime ; sinon, avec une décote.

3. Crypto par action (CPS — Crypto Per Share)

Cet indicateur exprime le nombre d'unités de crypto (BTC, ETH, etc.) que représente chaque action.

Il mesure donc le “droit indirect” de l'actionnaire sur le stock de jetons détenus.

4. Ratio Market NAV (mNAV)

Le mNAV compare la capitalisation boursière d'une société à la valeur de sa trésorerie en actifs numériques.

Si mNAV > 1, le titre se négocie avec une prime — les investisseurs paient plus cher que la valeur comptable pour obtenir de la liquidité, un effet de levier ou une option d'accès.

Si mNAV < 1, le titre se négocie avec une décote — signe de scepticisme, de risques de gouvernance ou d'un manque de transparence.

5. Test d'accroissement/dilution (Accretion/Dilution Test)

Ce test permet de déterminer si une émission d'actions est bénéfique (accrétive) ou nuisible (dilutive) pour les actionnaires.

Une opération est accrétive lorsque :

(\Delta U / \Delta S) > (U / S)

ΔU = nouveaux jetons achetés

ΔS = nouvelles actions émises

U et S = jetons et actions existantes

Exemple :

Une entreprise lève 1 milliard $, son action s'échange avec une prime de 40 % (mNAV = 1,4), et elle détient 200 000 BTC (NAV = 22 Md$) pour 20 millions d'actions.

Cours de l'action : 1 540 $ → émission de 650 000 actions.

Avec les fonds levés, elle achète 9 000 BTC supplémentaires (à 110 000 $).

→ Nouveau total : 209 000 BTC.

→ CPS avant : 200k / 20M = 0,01

→ CPS après : 209k / 20,65M = 0,0101

L'émission est légèrement accré­tive.

Mécanismes de financement des DATs

Les entreprises adoptent différentes stratégies pour financer leurs achats de crypto-actifs :

1 . Émissions “At-the-Market” (ATM)

Le DAT met en place un programme avec une banque d'investissement pour vendre progressivement ses actions sur le marché, puis utiliser les fonds pour acquérir des actifs numériques.

Ce mécanisme fonctionne uniquement quand l'action s'échange avec une prime sur la NAV.

C'est un outil flexible, à faible friction, mais potentiellement dilutif si trop utilisé.

2. Émissions en bloc / Secondaires

La société émet un bloc massif d'actions à un prix légèrement inférieur au marché, afin de lever rapidement des fonds pour acheter des crypto-actifs.

Avantage : entrée de liquidités rapide.

Inconvénient : dilution immédiate des actionnaires existants.

3. Obligations convertibles (Convertible Notes)

Le DAT émet des titres de dette assortis d'un taux d'intérêt fixe, d'une échéance, et d'une option de conversion en actions à un prix prédéfini.

Ce mécanisme permet un financement sans dilution immédiate, mais introduit deux risques :

Si le cours de l'action grimpe au-dessus du prix de conversion → dilution à terme.

Si le cours baisse → la dette reste due, créant un risque de refinancement.

4. Actions préférentielles (Preferred Stock)

Ces titres donnent priorité sur les dividendes et la liquidation par rapport aux actions ordinaires.

Ils permettent de réduire le coût du capital, mais créent une hiérarchie entre actionnaires, limitant le potentiel de gain des actionnaires classiques.

5. Flux de trésorerie opérationnels (Operating Cash Flow, OCF)

Une méthode plus saine consiste à réinvestir une partie des bénéfices opérationnels dans l'achat de crypto-actifs.

C'est le moyen le moins dilutif mais aussi le plus lent pour construire une trésorerie.

Le paysage actuel des DATs

L'appétit institutionnel croissant pour les actifs numériques a entraîné l'émergence d'un écosystème diversifié d'entreprises cotées en bourse cherchant à capitaliser sur l'un des grands récits financiers de 2025 : la transformation du capital en crypto-trésorerie.

D'abord centré sur le Bitcoin, le modèle s'est rapidement étendu à Ethereum, Solana et d'autres blockchains de premier plan.

Dans la plupart de ces entreprises, l'objectif central reste identique : augmenter la quantité d'actifs numériques détenus par action (digital asset per share).

Les DATs étudiés dans cette section représentent la majorité des actifs sous gestion (AUM) parmi les sociétés cotées détenant du BTC ou de l'ETH.

Strategy et Metaplanet détiennent ensemble 64 % du total des AUM de tous les DATs Bitcoin cotés en bourse, dont 61,22 % pour Strategy à elle seule.

Du côté des DATs Ethereum, BitMine concentre 49,66 % des AUM du segment ETH, et Sharplink 14,72 %.

Cette concentration indique une domination nette des premiers entrants, capables de mobiliser rapidement des capitaux.

Strategy : le pionnier du modèle DAT

Lancée en 2020, Strategy (ex-MicroStrategy) a inauguré le modèle de la trésorerie numérique cotée.

En cinq ans, l'entreprise a accumulé 640 250 BTC, valorisés environ 70 milliards de dollars aux prix actuels.

Rien qu'en 2025, elle a acheté 116 554 bitcoins, soit un rendement de 26 % sur son stock de BTC.

Strategy s'est principalement appuyée sur le modèle ATM (At-the-Market) pour financer ses acquisitions, vendant ses actions à une prime atteignant jusqu'à 6x la valeur nette d'actif à ses débuts.

Ce multiple a depuis fortement diminué :

d'abord vers 2,5x–3x,

puis en dessous de 1,5x,

avant de se stabiliser autour d'un mNAV de 1,16x (basiquement) et 1,293x en version entièrement diluée.

Les actions préférentielles et les obligations convertibles sont désormais les instruments de financement dominants.

Ces produits, largement absorbés par les hedge funds et investisseurs institutionnels, permettent de maintenir les acquisitions de BTC tout en limitant la dilution immédiate.

Grâce à son avantage de pionnier et à sa reconnaissance sur les marchés boursiers mondiaux (presque éligible au S&P 500), Strategy demeure la référence du secteur.

Mais ce statut implique aussi un risque systémique : un échec de Strategy aurait un impact tectonique sur la confiance des investisseurs — à la fois dans les marchés actions et dans le narratif “Bitcoin comme actif de réserve”.

Metaplanet : la réinvention japonaise

Autre acteur majeur, Metaplanet — une ancienne société hôtelière japonaise — s'est reconvertie dans la gestion d'actifs numériques et détient désormais plus de 30 823 BTC.

Profitant d'une prime boursière exceptionnelle (jusqu'à 8x la NAV à un moment de l'année), la société a pu lever huit fois plus de capital que la valeur de ses avoirs en BTC.

Ce phénomène s'explique par sa cotation à la Bourse de Tokyo, qui attire des investisseurs japonais en quête d'exposition à la volatilité du Bitcoin.

Pour beaucoup d'investisseurs locaux, Metaplanet représente un moyen indirect d'investir dans BTC via un produit coté, plus accessible que les plateformes étrangères.

BitMine et Sharplink : les pionniers de l'ETH corporatif

Du côté d'Ethereum, deux acteurs dominent le marché :

BitMine, à l'origine une société de minage Bitcoin convertie en DAT Ethereum en juillet 2025,

et Sharplink, une entreprise issue du marketing sportif qui a pivoté vers le modèle DAT.

À elles deux, elles détiennent plus de 3,87 millions d'ETH, soit plus de 15 milliards de dollars au total.

Leur bénéfice par action s'établit respectivement à 189,1 % pour BitMine et 98,5 % pour Sharplink.

Comme leurs homologues Bitcoin, elles privilégient les levées de capital via des programmes ATM, vendant leurs actions tant qu'une prime de marché existe.

Cela leur permet de lever des fonds efficacement sans recourir à la dette ou à des émissions massives, tout en maintenant une croissance du nombre d'ETH par action (CPS).

Mais dès que la prime disparaît — lorsque le mNAV tombe sous 1 —, la mécanique devient dilutive.

Actuellement :

Sharplink s'échange avec une décote légère (mNAV = 0,92x),

tandis que BitMine conserve une prime de 18 % (mNAV = 1,18x).

Les sociétés de trésorerie en ETH disposent d'un atout que n'ont pas leurs équivalents Bitcoin :

elles peuvent mettre en staking leurs avoirs pour générer un rendement natif d'environ 3 à 3,5 %.

Ce rendement contribue directement à augmenter la valeur d'ETH par action, sans nécessiter d'émission de nouvelles actions.

Certaines entreprises, comme Sharplink, réinvestissent même les récompenses de staking dans des protocoles DeFi ou dans des programmes de rachat d'actions, ce qui compense partiellement la dilution causée par les ventes ATM.

Hormis Strategy, la plupart des DATs sont encore à un stade précoce de développement.

Les levées de capitaux agressives témoignent de leur volonté de profiter du cycle haussier actuel pour établir un pont entre la finance traditionnelle et les actifs numériques.

Les risques du modèle DAT

L'élément essentiel qui attire les capitaux vers les actions des DAT est leur multiple de valeur nette d'actif (mNAV).

Les spéculateurs achètent ces titres pour amplifier les rendements des crypto-actifs sous-jacents : ils espèrent ainsi multiplier leurs gains de 1,5x à 7x sur chaque dollar investi.

Mais derrière cette mécanique séduisante se cache un paradoxe :

les investisseurs n'achètent pas du Bitcoin ou de l'Ethereum, mais une enveloppe de volatilité dont la valeur dépend entièrement du niveau de prime ou de décote du mNAV.

Ces véhicules d'investissement comportent de nombreux risques, souvent mal compris par le grand public.

1. La dilution massive des actionnaires

L'un des risques majeurs du modèle DAT est la dilution permanente liée aux émissions d'actions nécessaires pour financer les achats de crypto.

Entre 2022 et fin 2024, Strategy a dilué ses actionnaires de près de 46 % par an en moyenne.

Pour Metaplanet, la dilution projetée pour 2025 est encore plus spectaculaire, atteignant 98 % !

Du côté des DATs Ethereum :

BitMine affiche une dilution estimée à 24,25 %,

Sharplink à 11,4 % (calculée trimestre sur trimestre).

Ces niveaux élevés sont la conséquence directe des programmes ATM, qui permettent d'émettre des actions au fil de l'eau tant que le cours de bourse reste au-dessus de la NAV.

Les flux de trésorerie opérationnels de ces entreprises sont par ailleurs largement négatifs :

Strategy : –34 millions de dollars au T2,

Sharplink : –1,62 million de dollars au T2.

Privées de rentrées de fonds organiques, elles doivent lever continuellement du capital pour maintenir leur stratégie d'accumulation — une approche viable seulement tant que le marché valorise la prime.

Lorsque le titre passe en décote, la mécanique s'enraye : l'entreprise ne peut plus lever sans se diluer fortement, ce qui entraîne une stagnation du nombre d'actifs par action et un effet de spirale baissière sur le cours.

2. La dette convertible : un jeu dangereux

Pour éviter une dilution trop rapide, certaines entreprises — notamment Strategy — ont eu recours aux obligations convertibles.

Ces titres sont très appréciés des hedge funds, car ils comportent une option d'achat intégrée (call option) qui permet de bénéficier de la volatilité du titre.

Le fonctionnement typique est le suivant :

Les fonds achètent les obligations convertibles,

Ils ouvrent une position courte sur l'action pour se couvrir,

Et exploitent la volatilité du titre pour générer des rendements delta-neutres.

Ce mécanisme crée un cercle vicieux : plus la volatilité augmente, plus la valeur de l'obligation s'apprécie, mais au prix d'une pression vendeuse constante sur l'action.

Si le cours se rapproche du prix de conversion, la “delta” du produit augmente, ce qui amplifie la spéculation.

En cas de baisse, les fonds profitent de leur position courte, tandis que la valeur de l'obligation reste soutenue par les actifs collatéralisés (les BTC détenus).

Cette stratégie, dite de “convexité obligataire”, transforme les actions DAT en instruments de volatilité dont les hedge funds exploitent les oscillations, sans réelle conviction fondamentale sur la société.

Leur scénario idéal : le roulement perpétuel de la dette convertible, tant que la volatilité reste élevée et que le marché continue à absorber les nouvelles émissions.

3. Les actions préférentielles : une fausse solution

Autre mécanisme inventé par Strategy : l'émission d'actions préférentielles.

Ces titres visent à réduire la dilution sans accroître la dette, mais offrent en contrepartie des dividendes fixes aux détenteurs — un fardeau supplémentaire pour des entreprises dont les flux de trésorerie sont déjà déficitaires.

Leur utilisation aggrave la fragilité financière des DATs, qui peinent à générer de la trésorerie pour honorer ces paiements.

4. Les risques de gouvernance et de liquidité

Au-delà de la structure du capital, d'autres risques menacent la stabilité du modèle DAT :

Manque de transparence sur les avoirs : les entreprises publient rarement les adresses publiques de leurs portefeuilles, ce qui empêche un audit indépendant.

Risque d'exécution des programmes de rachat d'actions, souvent annoncés sans les liquidités nécessaires.

Risque de liquidité : en cas de vente forcée (ex. krach du marché), il serait difficile pour un DAT de liquider ses actifs sans provoquer une chute des prix.

Ventes internes : des dirigeants vendent régulièrement leurs actions, accentuant la pression sur le titre.

5. Une sous-performance croissante

Depuis le milieu de l'année, la plupart des DATs ont vu leur capitalisation boursière s'effondrer :

MSTR a perdu 44 % de sa valeur,

Metaplanet plus de 70 %.

Ces baisses traduisent un désenchantement général :

les investisseurs anticipent une fin du cycle d'expansion, et considèrent désormais ces titres comme moins performants que les actifs sous-jacents (BTC ou ETH eux-mêmes).

En d'autres termes, les DATs, qui avaient servi de relais spéculatifs à la hausse du marché, sont désormais victimes de leur propre levier.

Cette déconnexion croissante entre les actions et les crypto qu'elles représentent pose la question de leur viabilité structurelle à moyen terme.

Les DATs au-delà du Bitcoin et de l'Ethereum

Détenir de l'Ethereum dans la trésorerie permet aux entreprises de générer un rendement natif grâce au staking, actuellement autour de 3,18 % par an.

Ce rendement contribue à faire croître progressivement la valeur d'ETH par action, ce qui améliore la performance intrinsèque des DATs.

Mais même en exploitant les protocoles DeFi les plus solides, il faudrait des années pour que le staking compense la dilution continue si le capital ne croît pas parallèlement.

Les revenus issus du staking et du yield farming demeurent marginaux et insuffisants, à l'échelle actuelle, pour soutenir des dépenses opérationnelles et enrichir les actionnaires.

En théorie, un DAT orienté rendement pourrait être auto-suffisant si :

il accumule un volume critique de crypto-actifs ;

le rendement généré couvre ses coûts de fonctionnement et augmente la richesse par action.

En pratique, cela reste très difficile : la dépendance à la valorisation des actifs reste totale.

Le succès d'un DAT “ETH” dépend donc autant du prix de l'Ether que de la demande du marché pour ce type de produit.

Actuellement, les DATs Bitcoin (comme Strategy) bénéficient d'un appétit plus fort des investisseurs — reflet de la perception du BTC comme actif monétaire “dur” et plus stable.

Les marchés ont d'ailleurs déjà intégré le risque inhérent à ces véhicules, expliquant l'écart croissant de performance entre les actions DAT et les crypto-actifs qu'elles représentent.

Sur le troisième trimestre, les rendements de Bitcoin et d'Ethereum ont largement dépassé ceux de leurs versions tokenisées en bourse (MSTR, SBET, etc.).

Le modèle même — basé sur l'achat d'actifs comme cœur d'activité — limite la création de valeur intrinsèque :

la trésorerie n'est pas productive, les flux de trésorerie sont négatifs, les dividendes pèsent sur le bilan, et la dette augmente.

Résultat : une érosion progressive des multiples de valorisation pour la majorité des DATs.

Exemple d'opportunité manquée : “John l'investisseur”

Imaginons John, investisseur particulier disposant de 10 000 $ à placer fin juin (T2).

Deux choix s'offrent à lui :

acheter directement du BTC ou de l'ETH (forme “pure” ou via ETF),

ou investir la même somme dans des actions DAT (MSTR pour BTC, SBET pour ETH).

S'il choisit les actifs purs :

il obtient 0,093 BTC ou un peu plus de 4 ETH.

S'il choisit les DATs :

24,6 actions MSTR,

1 065 actions SBET.

Au terme du trimestre suivant (T3), le résultat est contrasté :

En quantité de crypto par action, John détiendrait 0,04 BTC de moins que s'il avait acheté du Bitcoin directement.

En ETH, il aurait un Ether de moins que via l'achat au comptant.

Mais en valeur, les trajectoires divergent :

Le cours de Sharplink (SBET) s'est apprécié de +80 %, lui rapportant environ 8 000 $ de profit,

Tandis que MSTR a chuté de –20,75 %, réduisant sa position de 2 000 $.

Cette comparaison illustre le coût d'opportunité élevé des DATs : les investisseurs particuliers ne possèdent aucun actif sous-jacent et dépendent exclusivement du comportement boursier de l'entreprise.

En cas de faillite, les créanciers et détenteurs d'actions préférentielles passent avant les actionnaires ordinaires pour réclamer les réserves de crypto.

Cela mine fortement la crédibilité du modèle comme véhicule d'investissement à long terme.

Un modèle dépendant des marchés dérivés et de la volatilité

Les bénéfices comptables affichés par certaines sociétés DAT sont souvent illusoires : les normes FASB américaines leur permettent de reconnaître les gains latents sur leurs avoirs comme du revenu, même si ces actifs ne sont pas vendus.

Ces profits restent donc purement “sur le papier” et ne génèrent pas de flux de trésorerie réels.

Pour rendre le modèle durable, les entreprises devraient :

placer une partie de leurs avoirs (lending, options couvertes, etc.) pour générer du rendement,

diversifier leurs revenus afin de réduire la dépendance au prix du BTC/ETH.

Mais chaque nouvelle intégration DeFi accroît les risques de contrepartie et de sécurité, soulevant la question : le jeu en vaut-il la chandelle ?

La perception dominante du marché reste claire : si ces acteurs commencent à vendre leurs actifs, cela serait perçu comme un signal d'alerte majeur, précipitant la défiance des investisseurs.

Évaluer la soutenabilité du modèle

Même si aucun indicateur ne peut parfaitement rendre compte de la performance d'un DAT, il existe plusieurs mesures permettant d'en apprécier la solidité et la viabilité à long terme.

Cette section s'appuie sur le cas de Strategy (MSTR) pour illustrer comment ces critères peuvent être appliqués et notés sur une échelle de 0 à 5 :

un score supérieur ou égal à 4 reflète une bonne performance, 3 indique une performance moyenne, et 2 ou moins signale une faiblesse structurelle.

Risque de dilution

Le risque de dilution survient lorsque l'émission de nouvelles actions réduit la quantité de crypto détenue par action (CPS).

Si la levée permet d'acheter plus de crypto par action qu'auparavant, elle est dite accrétive ; sinon, elle est dilutive.

Dans le cas de Strategy, l'entreprise a régulièrement eu recours aux émissions d'actions ATM et aux obligations convertibles pour financer ses achats de BTC.

Tant que l'action se négociait avec une prime (mNAV > 1), ces émissions pouvaient être considérées comme globalement accré­tives.

Mais la dépendance structurelle à ces levées de fonds place Strategy dans une catégorie de risque de dilution faible à modérée, soit un score de 3 sur 5.

Effet de levier

Pour mesurer le levier d'un DAT, il faut évaluer la part de dette utilisée pour acheter des actifs numériques.

Cette dette peut prendre la forme d'obligations convertibles, de prêts garantis ou d'autres instruments hybrides.

Le ratio dette/capitaux propres permet de savoir si une baisse de la valeur du trésor numérique pourrait créer une crise de liquidité.

Chez Strategy, ce ratio est aujourd'hui à son plus bas niveau depuis la création du modèle, autour de 0,36.

Cela place l'entreprise dans la catégorie de levier faible, correspondant à un score de 4 sur 5.

Qualité des actifs détenus

La nature des actifs que détient une entreprise est un facteur déterminant pour juger de sa solidité.

La plupart des DATs se concentrent sur des actifs “blue chips” comme BTC, ETH ou SOL.

Ethereum se distingue par sa capacité à générer un rendement de staking régulier (environ 3 % par an), qui peut être utilisé pour financer les opérations ou renforcer la trésorerie.

Ainsi, un DAT détenant 1 milliard de dollars en ETH pourrait générer près de 30 millions par an en revenus de staking, ou davantage s'il participe à des protocoles de prêt ou de liquidité.

Ces opportunités s'accompagnent toutefois d'un risque de contrepartie accru.

Bitcoin, de son côté, ne génère pas de rendement actif, mais tire sa valeur de son rareté et de son rôle de réserve monétaire.

Étant donné que Strategy détient exclusivement du BTC, un actif robuste mais non productif, elle se situe dans une catégorie moyenne, soit un score de 3.

Ratio de multiple de NAV (mNAV)

Le mNAV est l'un des indicateurs les plus simples et les plus révélateurs pour évaluer un DAT.

Il correspond à la capitalisation boursière de l'entreprise divisée par la valeur de sa trésorerie crypto.

Pour Strategy, la capitalisation actuelle s'élève à 82,3 milliards de dollars, contre une NAV estimée à 70 milliards, soit un mNAV de 1,16 en version basique et 1,25 en version totalement diluée.

Selon l'échelle de référence :

un mNAV supérieur à 1,2 est considéré comme bon (score 4 ou 5),

entre 1,0 et 1,2 comme moyen (score 3),

entre 0,8 et 1,0 comme faible (score 1 ou 2),

en dessous de 0,8 comme mauvais (score 0).

Strategy se situe donc dans la moyenne, avec un score de 3.

Transparence et gouvernance

Cet indicateur, plus qualitatif, mesure la fréquence et la qualité des informations publiées par l'entreprise concernant sa trésorerie, ses audits et la preuve de ses réserves.

Certaines sociétés choisissent de ne pas divulguer les adresses publiques de leurs portefeuilles pour éviter d'être front-runnées lors de leurs achats.

Mais ce manque de transparence nourrit le scepticisme des investisseurs.

Strategy est souvent critiquée pour la limitation volontaire de la transparence de ses réserves et la complexité de sa structure de gouvernance (multiplicité des instruments : actions préférentielles, obligations convertibles, etc.).

Elle obtient donc un score de 2 sur 5.

Liquidité et trésorerie disponible

Enfin, il est crucial d'évaluer la capacité d'un DAT à faire face à ses dépenses courantes sans devoir vendre ses actifs numériques.

On peut estimer cette “piste de trésorerie” (cash runway) en divisant les dépenses mensuelles par la trésorerie disponible.

Une entreprise disposant d'un an de liquidité est jugée solide.

Chez Strategy, la part de trésorerie représente à peine 0,07 % de ses actifs totaux — un niveau extrêmement faible.

Cela lui confère un score de 1, illustrant une dépendance quasi totale à la valorisation du Bitcoin pour maintenir ses opérations.

Note moyenne : 2,83 / 5

Dans l'ensemble, Strategy obtient une note moyenne de 2,83 sur 5 sur l'ensemble de ces six catégories : risque de dilution, levier, qualité de l'actif, mNAV, transparence et trésorerie.

Cette évaluation traduit une entreprise solide sur certains plans structurels mais fragile sur le plan opérationnel, dépendante à la fois du marché du Bitcoin et de la confiance des investisseurs.

Conclusion

Les Digital Asset Treasuries ont pris une place notable dans l'industrie crypto, avec une valeur nette cumulée d'environ 108 milliards de dollars, soit 2,5 % de la capitalisation totale du marché des cryptomonnaies.

À elles seules, ces sociétés représentent désormais une classe d'actifs intermédiaire entre l'action technologique et l'exposition directe au Bitcoin.

Leur principal attrait : permettre aux investisseurs d'obtenir une exposition indirecte à la crypto, sans gestion de portefeuille, en misant sur les écarts de valorisation (primes/décotes) entre l'action et les actifs sous-jacents.

Mais le modèle atteint aujourd'hui ses limites :

la dilution permanente fragilise les actionnaires,

les revenus restent faibles voire négatifs,

la dette s'accumule,

et la dépendance aux cycles du marché est totale.

Les DATs s'étendent désormais au-delà des actifs de premier plan comme Bitcoin et Ethereum, incluant Solana et d'autres actifs L1. Ces actifs supplémentaires permettent aux DATs d'accroître leur effet de levier, car ils peuvent être utilisés pour générer du rendement sur leurs avoirs via la DeFi. Ce rendement généré peut servir à financer les opérations de l'entreprise ou à améliorer les indicateurs économiques. Par exemple, le staking d'ETH augmente les réserves d'ETH de l'entreprise, ce qui accroît sa valeur d'ETH par action, un indicateur clé que les investisseurs évaluent avant d'investir dans le titre.

La croissance de ces DATs et leurs indicateurs économiques clés dépendent fortement des prix de leurs actifs numériques sous-jacents. En période de forte volatilité du marché, leur mNAV peut chuter considérablement.

En fin de compte, la multiplication des DATs et l'augmentation de leur NAV reflètent également un intérêt institutionnel et particulier accru pour les actifs numériques, ce qui est positif pour le secteur. Toutefois, quiconque investit dans ces véhicules doit être conscient de leurs risques, comme mentionné dans le rapport.

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